20h30, 10 000 pieds, bruit vrombissant des moteurs, visages endormis ou rêveurs ; la jambe se fait lourde, fourmille, demande à bouger. Encore 12h de vol. Cela laisse le temps à la rêverie.
Huê, quel drôle de nom pour une ville impériale.
Là-bas, 6 mois.
Au pied du mur, j’ai un peu le vertige. Pour une première hors d’Europe, c’est une première. Et pourtant moi la stressée, j’ai confiance. J’ai vu les étoiles dans les yeux de ceux qui en revenaient.
« … Mesdames, Messieurs, nous venons d’atterrir sur le sol vietnamien à Ho Chi Minh City, la température extérieure est de 28°C, il est 14h30, heure locale… »
Encore un vol interne pour Huê’ et j’arrive.
On m’attend. Mine de rien, entre deux croissants modelés à la vitesse d’un éclair, ils les attendent les volontaires, les moi ngoi phap. Ils se demandent bien à quelle sauce ils vont être mangés les 6 prochains mois.
- « Enchantée, mes peurs, mes doutes et moi »
Une poignée de main,
- « Chao chi »
Et on continue à enfourner les pains au four.
Mais qui sont ces gaillards de 20 ans, parés d’une casquette farineuse et d’un tablier pâteux ? Des petits gars comme les autres, qui cherchent le bonheur comme les autres.
S’apprivoiser, se comprendre, s’accepter, s’aimer. Nous les chefs, les français, eux les apprentis, les vietnamiens. Quel challenge ! Mais qu’il est doux de voir le challenge se réaliser !
Une baguette par ci, un pain au chocolat et une petite pièce montée par là, et voilà le débutant qui se forge des mains de boulanger aguerri. Mais c’est surtout l’adulte qu’on veut faire grandir. Petit à petit, chacun s’épanouit à sa manière. L’un chantonne, l’autre dévoile ses talents artistiques, l’autre montre un goût prononcé pour la faune à huit pattes, l’autre pour les dictionnaires français. Qui aurait pensé que ce jeune garçon au visage triste allait devenir le clown de l’équipe ? Et que celui au regard fuyant soit un chef boulanger respecté ? Ils ont su se battre pour cette vie qui ne leur a pas toujours souri et ce combat porte ses fruits aujourd’hui.
Pour moi, l’heure du retour a sonné.
Dans l’avion qui me ramène en France, mes idées vagabondent. Je ne sais pas ce que les hasards de la vie nous réservent, peut être nous reverrons nous un jour ? Mes yeux sont tristes mais je sais que je ne vous ai pas abandonnés, que vous êtes heureux et que l’aventure continue.
Loin des yeux mais près du cœur, phai khong ?
Huê’, quel nom magnifique !
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